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Polaire Ferroviaire
11 novembre 2019

"Panique" de Julien Duvivier

Panique est un des derniers films du "réalisme noir" et des "films d'atmosphère". Julien Duvivier est une des grandes figures du réalisme poétique, auquel il a contribué par La Belle Equipe, Pépé le Moko, La Bandera... Et il  pense Panique comme un film d'atmosphère, tout comme Poil de Carotte et David Golder, ainsi qu'il l'a exprimé dans une interview à Cinémonde en 1946. Il entend par là que ses protagonistes sont victimes de la cruauté de la société et que ses films décrivent leur chute. Il y a aussi ici des pastiches des succès du réalisme poétique, mais ici, après l'horreur de la Seconde Guerre mondiale, pour en souligner la naïveté.

Panique est une adaptation des Fiançailles de Monsieur Hire par Julien Duvivier sortie en 1947. Il y songeait déjà quand il était aux Etats-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale. Il en était revenu écoeuré par les atrocités de la Seconde Guerre mondiale, mais aussi agacé par l’industrie cinématographique hollywoodienne. Rejetant notamment l’obligation de “Happy End”, il souhaitait faire un film vraiment noir. Il s’est appuyé sur la nouvelle de Georges Simenon pour traiter ses obsessions : l’injustice du sort des innocents et la cruauté veule des foules. Il livre en fait en filigrane une dénonciation de la collaboration avec les nazis (il sème des indices dans les dialogues, ou encore dans le décor comme le café appelé “Le Petit Caporal” ou le bus qui va de Villejuif à la Gare de l’Est. Je n’invente pas cette idée, elle est développée par Thomas Pillard dans Le film noir français). Il rejette aussi le réalisme poétique qui fut naïf avant la guerre, combinant des clins d’oeil aux films (l’immeuble du “Jour se lève”, les autos tamponneuses du “Quai des Brumes”) et une inversion des valeurs de l’amour romantique, puisque les amants ne sont plus les victimes du destin mais les instigateurs de la chute du malheureux solitaire Monsieur Hire.

Malheureusement, cela ne passe pas. Premièrement, les ressort sont amenés sans subtilité et sans poésie. Le message est asséné par des dialogues trop explicites et sans charme. Le comportement de la foule est caricatural, ce qui est renforcé par le mauvais jeu des acteurs secondaires. Et les détails que le réalisateur veut qu’on remarque sont lourdement soulignés à coup de gros plans et de zooms brutaux.
D’ailleurs, c’est le deuxième problème de ce film, la mauvaise qualité de l’image et de son (probablement renforcés, certes, par une copie de mauvaise qualité), avec des bruits censés rester à l’arrière-plan qui sont assourdissants et des cuts violents. Toutefois, ces défauts sont curieusement concentrés sur des scènes de jour. Il reste de beaux plans, notamment celles dans l’escalier, avec des contre-plongées aux ombres allongées, qui tirent le meilleur de l’expressionnisme. Et celle où les gens s’acharnent sur Monsieur Hire à coup d’auto-tamponneuses est bouleversante. De toute façon, Michel Simon est toujours excellent. D’ailleurs, le jeu de Viviane Romance est aussi subtil ici : on lit dans son regard l’hésitation qui grandit à condamner un homme certes étrange, mais gentil, et à la vie intérieure si riche.
J’ai donc eu l’impression que Julien Duvivier essayait de me faire passer un message sur la noirceur de l’âme humaine avec une maladresse, et une littéralité indignes de lui.

Ce film est un classique. Il est donc disponible en VOD et DVD auprès de nombreux distributeurs.

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Polaire Ferroviaire
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Qui suis-je ?
Je suis Polaire Ferroviaire. J'aime les trucs qui tournent, les engrenages et les barres métalliques, donc j'aime les véhicules anciens. J'aime les trucs qui tournent, les manivelles et les pellicules, donc j'aime le cinéma. Je me concentre maintenant sur le réalisme poétique, après avoir fait d'autres trouvailles (je renonce avec douleur au film de course-poursuite !) Dans la vraie vie, je cherche des documents, et même que j'en trouve et que j'en fabrique d'autres avec ! Ce qui me permet de dénicher de belles pièces...Pour le reste, mes analyses valent ce qu'elles valent, en espérant qu'elles vous plaisent...

Si vous sous souhaitez utiliser mes trouvailles, vous pouvez, sous licence Creative Commons BY.

Bonne lecture !
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