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Polaire Ferroviaire
15 février 2020

Vie et mort du cinéma d'atmosphère

A côté d'une réflexion théorique sur l'atmosphère (ou encore "ambiance" ou "climat"), l'expression "film d'atmosphère" connut une belle postérité sur le marché. A tel point que déjà en 1933, Pierre-Henry Proust fustige dans un article, dont le titre laisse poindre l'agacement, "Toujours l'atmosphère", à la fois l'opportunisme des exploitants de salle qui utilisent le terme pour attirer le chaland, et la paresse des réalisateurs qui s'en servent comme paravent pour dissimuler l'absence de scénario (néanmoins, l'article continue avec une réflexion sur ce que devrait vraiment être l'atmosphère). Cela n'empêche pas qu'en 1939, il soit une des grandes tendances annoncées, dans une catégorie le regroupant avec les études de moeurs et les comédies dramatiques.

On peut se demander alors pourquoi la catégorie disparaît après, bien qu'il existe encore des films en ayant les caractéristiques. Bien entendu, dans la mesure où personne n'a dit "Nous arrêtons de faire des films d'atmosphère ou de les appeler ainsi", cela reste des hypothèses.

Premièrement, les films appelés ainsi sont devenus de plus en plus sombres. Alors que nombre de films pittoresques basés sur des clichés locaux pouvaient prétendre à ce titre jusqu'au milieu des années 30, ils ont été rattrapés par les films policiers et les drames. L'esthétique de ces films a fait de même, passant des extérieurs ensoleillés de Baroncelli à des clairs-obscurs expressionnistes. Le public recherchait peut-être quelque chose de plus léger pendant puis au sortir de la guerre. En tout cas, pendant la Seconde Guerre mondiale, la censure interdisait les films démoralisants, et c'est une flopée de films dispensables et écervelés que diffusaient (en majorité, il y eut des exceptions fameuses comme Le Corbeau) non seulement La Continental, dont c'était la mission, mais aussi les autres studios de production. 

Deuxièmement, le genre faisait l'objet de critiques dès le début. Principalement, même ses plus grands zélateurs reconnaissaient l'inconsistance des scénarios. Ensuite, alors qu'il tablait sur son point fort, le décor, beaucoup reprochaient à des films ratés la médiocrité des paysages naturels choisis ou la platitude de la photographie. L'autre point fort, la finesse psychologique, n'était pas forcément au rendez-vous, avec des films emplis de personnages sommaires ou au comportement incohérent. Puis, même si cet aspect était réussi, on reprochait aussi à ces films, surtout avant la guerre, d'être malsains et démoralisants. Enfin, critiques et public ne goûtaient pas forcément à l'esthétique expressionniste, plus présente vers la fin de la période. En tout cas, certains jugeaient qu'elle était trop appuyée, et souhaitaient qu'elle soit balancée par une lumière plus réaliste pour les extérieurs-jours. 

Ces deux dernières remarques étaient souvent mâtinées de xénophobie et d'antisémitisme. François Vinneuil, certes bien identifié pour ses positions nationalistes et antisémites, parle souvent d'esthétique trop allemande et pas assez française, et l'impute aux réalisateurs ou aux techniciens juifs travaillant avec les studios français. Mais il n'est pas le seul (Alastair Philipps en relève plusieurs dans City of Darkness, City of Light : Emigré filmmakers in Paris 1929-1939). Peut-être que ces relents, devenus inadmissibles après la guerre, l'appellation définitivement entachée é été abandonnée.

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Polaire Ferroviaire
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Qui suis-je ?
Je suis Polaire Ferroviaire. J'aime les trucs qui tournent, les engrenages et les barres métalliques, donc j'aime les véhicules anciens. J'aime les trucs qui tournent, les manivelles et les pellicules, donc j'aime le cinéma. Je me concentre maintenant sur le réalisme poétique, après avoir fait d'autres trouvailles (je renonce avec douleur au film de course-poursuite !) Dans la vraie vie, je cherche des documents, et même que j'en trouve et que j'en fabrique d'autres avec ! Ce qui me permet de dénicher de belles pièces...Pour le reste, mes analyses valent ce qu'elles valent, en espérant qu'elles vous plaisent...

Si vous sous souhaitez utiliser mes trouvailles, vous pouvez, sous licence Creative Commons BY.

Bonne lecture !
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