J'ai trouvé la voie (ferrée)
Je n'ai pas écrit depuis longtemps car j'étais dans une impasse : finalement, je ne voyais pas de corpus cohérent de films criminels comportant des trains. J'avais abandonné. Mais un jour, j'ai emprunté à tout hasard Le film noir français face aux bouleversements de l'après-guerre (1946-1960) de Thomas Pillard. Je ne l'avais pas fait jusque là, persuadée de tomber une énième fois sur un livre qui omettait de traiter des films criminels non policiers. Et là, miracle ! Enfin, l'auteur dégageait un corpus de films criminels mais pas policiers des années 30, dont La Bête humaine et Quai des Brumes, sous l'appellation "réalisme noir", qui eurent une petite postérité jusqu'à 1953 (avec Une si jolie petite plage d'Yves Allégret). Mais, double miracle ! Il abordait des films auxquels je n'avais pas pensé, dont le héros travaillair dans les entrepôts ferroviaires du Havre : Le Voyage sans espoir de Christian-Jacque et L'homme de Londres d'Henri Decoin.
J'ai ainsi pu me relancer, comprendre la genèse du terme "film noir" et son rapport avec le réalisme poétique et fortifier mon corpus. mais à vrai dire, je comprends maintenant que c'est plus généralement le décor industriel et notamment des infrastructures de transport, avec une focalisation sur le port du Havre, qui fait sens. On peut y ajouter Remorques de Jean Grémillon et Dédée d'Anvers d'Yves Allégret. Tous ont alors en commun de se passer dans un milieu de déclassés, dans des zones de transit. Les personnages rêvent d'évasion mais y échouent. Et cet échec, lié à une fatalité, trouve des échos dans des signes disséminés dans le décor. Ainsi, on peut analyser ces moyens et infrastructures de transport selon trois axes propres au réalisme poétique :
- un décor propre à l'esthétique du réalisme poétique
- des marginaux, des déclassés et des désoeuvrés incarnant la fin du rêve du Front populaire
- des voies et des véhicules qui ne vont nulle part, symboles de la fatalité